jeudi 16 mars 2017

Au fil du sens 2002





  
AU FIL DU SENS


2002

 





"Il faut toujours aller dans le sens du fil" enseigne l'ébéniste à l'apprenti.
                                                                           Mars 2002







1


C'est là un autre soupçon,
une autre attente,
le fil infaisable,
évolution incertaine
le fil se mêle,
plusieurs s'entremêlent,
se mêler à la foule pour oublier le fil,
internement,
le parloir est plein,
asiles.
L'île s'organise,
empale,
édifie
l'île
tire le fil, ramène la terre
à la raison,
la raison chez elle.
Immuable est le prêche des fous,
en cette zone circulaire
une scie
tranche l'aube métal,
affleurement du sang,
du fleuve où
ventres des morts blancs
circulent
angles transparents,
virgules de chair
dans le cercle de l'île.

Rien
ne peut être connu
ne se propage plus vite
à la vitesse du cri,
qu’une note faussement interprétée,
rien ne se détruit plus vite,
l'œuvre menacée bascule.


Ton front posé
sur le glacis de la pierre
ruine annoncée,
désert,
l'île d'où surgit
le seul miracle,
la bouche déformée,
de l'oracle-écran
comme un flambeau
éclair roux dans la nuit.

Ton front posé
brûle d'on ne sait quel doute,
se consoler du peu,
se rassurer avec l'image,
monter le son,
descendre d'un étage,
écrire à ce point précis
où nul retour n'est possible,
avancer pour ne pas finir
là où tout a commencé :
l’établi endormi sous les copeaux,
dégorgeoirs,
ébaumoirs,
gouges et poinçons,
compas réglés pour mesurer la ligne,
étaux pour assurer le geste toujours faillible,
colombe,
varlope,
toujours dans le sens du fil,
pour nous étonner,
nous ravir,
sous le ciel
cloison brisée,
croire un instant
en l'Ame cheville.


 
2



C’est un coup d’état qui renversa notre enfance,
nous jeta nus et sans armes
dans le fracas des hommes
et la douceur des femmes.
Nous apprîmes à apprivoiser tant de choses,
la lumière,
la nuit,
la lecture des  signes,
les odeurs,
les lumières,
le goût des couleurs
et la couleur du goût.

Nous apprîmes à feindre
quand notre équilibre était menacé,
à énoncer la vérité
comme si elle était une arme,
à défier les regards qui jugent,
classent et condamnent,
à reconnaître le manque d’amour sous la peur,
la haine sous les paroles de paix.

Nous apprîmes malgré les coups,
les crachats,
le mépris,
à nous tenir debout,
à tenir contre ceux qui, ennemis de la vie,
trouvent leur jouissance
dans l’exercice toujours éphémère du pouvoir.







3


Comment ne pas s'en mêler ?
Se mêler de,
comment ne pas se désenvoûter
agir au sens propre,
se laver du figuré,
de quel sens parler ?
Parlons-nous ?
Effleurons-nous ?
Sous quel poids du sens nous défigurer,
pas de sens ici
pour combien de temps ?
Pas de sens ici
tout est fil
tout se corrompt,
se rompt,
en tout sens
se transforme en cubes câblés,
en réseaux affamés de sens commun,
défigurations,
la télévision nous parle
défenestrations,
canalisations,
reste le fil ténu
le fil d'une naissance
accrochée aux rites,
qui se lève tôt pénètre sa conscience.
Préparons notre défense
il n'est pas un fil
où nous posons le pied
sans tester un nouvel équilibre,
il n'est pas un jour
où dans ces déraillements,
ces épuisements,
ces petites luttes quotidiennes,
nous cherchons un peu de sens
pour résister à l’usure.




4



Conformité des lois qui assistent
à un accouchement prématuré,
celui du verbe géomètre
nous ne retrouvons plus
le point de départ
ce point le plus éloigné
à la droite du lit,
siège d'une horizontalité active.

Les mathématiques sont entrées dans la chambre,
elles ont fragmenté le paysage,
le corps est devenu un espace plan,
et l'épiphénomène de l'acte amoureux
s'est retrouvé quelque part
entre une médiatrice et un angle sécant.

Rien ne peut signaler ici
la présence de la grande spirale du désir,
elle a rejoint les murs froids
des théorèmes cliniciens
où Pythagore courtise Ariane
où le père de Thésée
repeint indéfiniment les voiles.




5


Descendre en soi
pour ne remonter nulle part,
de nouveau nous voici
sur le versant d’une pensée
où tout bouge,
où tout devient hallucination.
Les centres sont nombreux,
ces lignes ne peuvent à elles seules
être une preuve de notre existence,
elles explorent le vide,
se perdent en des essais de langage,
jouent avec des mots
qui se lovent et se louent comme peaux,
visages,
gestes,
une lecture les amène au bord,
au bord du vide où se reconstruit l’absence,
absence de ce corps solide,
de ce corps,
hôte de l’ancienne douleur.

L’écriture prend les devants,
fustige,
caresse,
émerveille,
puis se referme
pour rentrer en hiver.

A ce moment de l’écriture,
à ce moment de l’éveil
tout devient intraduisible,
à ce moment de l’écriture
tout tient à un fil.




 
6



Devant la beauté
se poser la question du sens,
s'installe alors le discours du doute,
de la disparition,
les failles sont nombreuses,
douloureuses,
peur du corps,
peur de l'engendrement,
peur de l'usure,
nous voici donc
devant la beauté
à jamais éveillés,
mendiants révoltés.


 
7




Faire le tour de la question,
et en perdre le centre …





8




Foisonnement sous la page,
qui en appelle à l'écriture
à se mettre en veille,
en sommeil ?
A soumettre sa raison ?
À fleur de peau
peau de l'animal-raison ?
ne voit nulle raison,
pour atteindre le pollen des heures.
Comme une furie
la lumière traverse,
s'étend sur le linge du monde,
ruisselle le long des vitres,
coule sous les fenêtres,
par la grâce d'un courant d'air
rejoint un festin de fièvres,
foisonnement des possibles.

Devenir objet d'adoration
sujet à datation,
à soumission,
objet vertical
en ce monde des courbes.
Pour résister aux fourbes,
tenir sa droite.
pour ne pas fléchir
ne pas se tromper de lumière,
tenir.

Foisonnement
des pourvoyeurs de saisons
par tous les temps,
sur toutes les routes,
fenêtres, ponts,
élargissement des silences,
des voix,
sous les chemises
la lumière des projecteurs
cherche, fouille,
cherche la présence de sexes.

Toutes sueurs dehors
ajouter à ce foisonnement !
Corps noués
là où toutes cuisses
mêlées,
là où le désir domine.
Ensemble
ils dérivent,
corps flexibles,
corps lovés en crabes,
positions fœtales,
régressions,
nouveaux fruits
par toutes les mères
fantasmés,
tremblements prématurés,
paradis abandonné aux simples
pour une jouissance d’organes magnifiés,
simplicité de la jouissance
foisonnement,
évidence du jouir,
sans chercher à comprendre,
à renaître,
se compromettre,
simplement,
rester,
se mettre,
en quatre
se mettre en chaire,
se représenter sur un pied,
en pied,
rester fort,
tête haute,
buste en fonte,
sur un pied fossile,
un socle
de fer,
se taire,
faire taire l’épicier en nous,
ce petit commerce
paradis mécanique
huilée,
bien tourné,
sur fond
de machines-outils,
arbres à hélices, à délices.

Usine,
industrie du verbe,
sans fondements,
moissons livides sous la herse,
pour nos têtes posées
au fond des cageots,
nos têtes futurs bols à asticots.

Pour tous les autres corps
foisonnement de muscles,
de ligaments,
de peaux,
de spasmes,
de rives jamais atteintes,
mille sexes n'y suffiront pas,
il nous faudrait
revenir une scène plus haut
là où cela parle encore,
là où cela éjacule encore,
parle déraisonnablement
de sens empilés, compilés,
de proximité avec le vivant,
là où justement
le sens croit et décroît
où incroyablement surgit
l'effroi,
le retard,
la balance,
le poids,
ce qui fait que le monde entier plie,
se replie,
en ses bagages,
plonge dans le fleuve nature,
remonte plus éclairé,
plus riche d’une clarté,
d’une parole.

Là où gémir
encore se peut,
là ou gémir
rejoint le chant,
là où le cœur peut
jouer sa carte d'organe,
se jouer du corps,
jouer de ses membres,
pour tuer sa peur,
se faire violence, se faire jeu,
ventre doué de paroles,
d'auréoles truquées.

Nous nous sommes perdus en ces lieux,
hors ce ventre
innocemment doué
pour toutes les impostures,
nous nous sommes retrouvés
nouveaux nés en ces lieux
où le sens était devenu autre :
un lumignon seul survivait,
œil misérablement isolé
d'une fête ratée.




 9



Il est là
le véritable repos
entre un olivier et un orme,
sentir
cette odeur de terre
cette odeur qui remonte de si loin,
l'odeur des grands fonds.

Se maintenir en éveil,
respirer
sources et bruits,
possible paix,
arroser la terre
en surprendre les bienfaits,
unir
la violence du jour
à la fécondité de la nuit.

En cette innocence
comment conclure ?
Le piège est si pur,
la peinture si belle,
sans un parasite,
sans une éclaboussure,
le même sens donné à la mort,
le même sens donné à la vie,
au silence,
à la rumeur.

Qui peut croire encore
en la beauté d'un temple qui se fissure ?






10



Le fleuve ainsi creuse son mystère,
son lit est profond, il le sent,
Il va dans son sens, lui obéit,
par nécessité, par nature.


 


11


Le mal le voici :
la vie pour durer n’a nul besoin d'infini,
ni de lutte,
ni d’équilibre,
la vie pour durer a un besoin permanent de mort.

De la mort seule elle tire son souffle,
de cette terre des morts
elle extrait toujours plus nombreux les vivants.

Remontez vers le fuseau de la vie
et vous retrouverez toujours
Clotho, Lachésis, et Atropos qui tranche le fil. 







12



Les fils se sont emmêlés,
Pénélope s’est retrouvée prise au piège,
piège de ces nuits blanches
passées à défaire le linceul tissé le jour.
Pour que chacun entende
ne perde le fil d’une histoire
qui file sur le tissu des siècles,
pour que chacun puisse remettre sur son métier
le même fuseau dont le même fil se dévide,
se défait et casse,
fin de l’ouvrage,
de la trahison.
Les fils se sont emmêlés,
Pénélope se retrouve prise au piège,
des servantes militantes
dénoncent son travail de nuit.
Retour à Ithaque,
Retour d’Ulysse,
l’avisé,
au grand cœur,
modèle de patience,
éprouve par la ruse la fidélité de son fils,
précipite la destinée de son chien,
menace sa vieille nourrice
si jamais elle a l’imprudence de parler,
Ulysse, le seul à pouvoir tendre la corde de l’arc,
le seul à pouvoir donner du fil à retordre
à tous ceux qui se prétendent prétendants,
ceux qui ont envahi sa demeure,
souillé son temple, convoité son épouse.
Ulysse avec les aides de l'Olympe
crée sur place deux emplois d'assistants-bouchers,
se fait meurtrier méthodique et inspiré
et reprend dans la foulée le fil de son histoire avec Pénélope.



Pénélope, épouse modèle,
icône de la fidélité,
qui avant de renouer
lui impose l’épreuve du lit,
couche dressée pour les fantaisies d'Eros,
toute sanglée de cuir
où la souche
de l’olivier aux longues feuilles,
colonne puissante, éloge phallique,
tient lieu de socle.

Pour quelle foule de voyeurs
Athénée prolongea cette nuit de retrouvailles ?
La trop sage Pénélope sait que désormais
en sa demeure sanglante,
ce qui se construira le jour durant
n’aura plus besoin de ses mains
pour être anéanti dans l'obscurité,
que tout lentement se détruira en elle
chaque nuit effaçant
les douleurs ou les joies du jour.

Ulysse quant à lui, pressent que chaque aube
verra se lever un autre prétendant
qu’il lui faudra encore mille fois
bander la corde de son arc,
jusqu’au jour où devenu impuissant, cloué sur son lit,
toujours envoûté par les chants des sirènes
et le souvenir des folles dominations de Circé,
il s’abandonnera à la mort à l’œil unique
qui dans un murmure
lui soufflera à l'oreille :
qu’elle est venue prendre
Ulysse en personne.




13



Liqueurs,
ivresses,
ces instants où
s'emmêlent les sens,
où s’épuisent en mille visites,
les mille possibilités
d'une vie dramatiquement
douée pour la volupté.

Corps de neige, corps de nuit,
tous deux se fiancent
et la terre s'en balance,
et la terre de tourner,
et la terre de tout son sang,
de tout son foutre,
de vomir l'éternité !

Corps de neige, corps de nuit,
dans l'océan de leur sève répandue,
dans l'océan de leur sang perdu,
corps sacrifiés
sur l'autel du verdict,
dénouement du jour,
aliénation de la nuit,
tout peut se peindre,
se maquiller,
pour tenir sous les lumières,
pour résister à la pluie,
tout peut se traduire
mais trahir,
trahir,
est-ce déjà la nuit ?

 
14



Ne pouvons-nous envisager
raisonnablement de vivre ?

De goûter la vie,
en ne lui donnant
nulle signification,
nulle direction,
expérience de l'extrême
du formidable inutile ?


15




C’était avant le nomadisme de la pensée,
nous avions desserré
les lacets de notre mémoire.
Que percevions-nous alors de l’inévitable,
quelle peur pouvait définir notre enfermement,
nous rendre innocents à nos yeux,
quel cercle pouvait plus efficacement,
plus horriblement,
créer un abîme
pour l’autre cercle de ce texte ?

La trame était donc libre,
nous ne pouvions l’espérer,
nous voulions la vivre,
ici tout nous accusait.
En ce présent aussi réel qu’une pierre
jetée sur une machine de guerre,
nous avions cimenté les puits
conduisant à la vérité.



De quelle  jouissance
nous étions-nous ainsi irrémédiablement éloignés,
détournés ?
Reclus volontaires
d’un monde peint en trompe-l’œil,
notre passage comme une épreuve,
certitude infinie,
où le geste puise la force
de tendre encore l’arc de la vie.




16



Nos ventres
réclament leur part de viandes et de fruits,
affirmation des possibles,
hématomes sur l’épiderme de notre raison sensible.

Etre ce mot juste qui résonne,
prend de l’assurance,
s’organise,
s’agite,
pour semble-t-il fuir le magma,
l’incohérence,
la tromperie,
la honte.

Ecrit-travail,
travail de l’écrit,
efficience de l’esprit,
inspiration expirante,
inspiration
vision si peu convaincante,
comment pouvons-nous obliger



le monde à traduire,
à nous traduire,
à passer par ce canal étroit de notre vie ?
Ciel tombé dans les excavations de nos yeux
avec l’idée de la chute
nous arrachant perpétuellement au fil de nos pensées,
au fil de notre écriture
qui parfois en oublie le fil ….





17



Nous sommes tous visiteurs
invités au parloir du monde,
ce questionnement sans cesse,
cette joie fouillée, ce sens exploré,
questionnement
dans les limites de notre langue,
vague qui s'enroule, roule,
avalanches de perles
traversées par la lumière,
étendue permanente
qui frappe ses rives,
fait se gonfler des ventres de sable.




18


Que dire de l'égarement ?
de cet égarement
qui nous serre,
nous enserre,
nous livre à l'ennui,
à  l'écœurement,
à la simple possession des choses,
puis à
la poussière,
aux plaies,
aux disparitions,
aux désillusions.
De tout cela
la mémoire est veuve,
le corps seul lecteur
en donne une lecture incomplète.
Et si tout cela
respirait
l'évidence,
le retrait
du sable
sous nos pieds,
la tempête
sous nos crânes ?
Et si tout cela respirait
selon une ancienne cadence,
la vague sous la terre,
la terre sous le ciel ?
Si tout cela dans le même temps
en une  même saison,
avançait tout en se retirant,
à la fois centre et segment,
oubli et naissance ?
Si tout cela
s'accommodait pour exister
de l'acte le plus simplifié,
de la parole la plus réduite,
alors le sens peut-être prendrait la fuite …


19



Rien n'y fait
l' œil est en manque,
un œil sans gourmandise
qui regarde,
regarde
guette sur l'écran ligné
les signes avant-coureurs
de la grande interruption,
de la grande rupture
entre l'extérieur et cet intérieur,
intérieur cossu
miné de l'intérieur,
lieu d'assis
où étrangement plus personne
n'a volonté de se redresser,
où étrangement plus personne
ose se représenter debout.

Toute la vie résumée là :
en ce rectangle
où le monde s'encastre,
s'enroue,
s'ampute,
où la douleur devient
objet de contemplation
pour esthète médiatisé,
rien n'y fait
cet œil défait le monde,
le plie,
le range,
le dissèque,
le lamellise,
jette dans les rues
ses jeunesses faciles,
remplit les cales
des prisons flottantes
entasse,
os,
mémoriaux,
armées de paix,
visions de chairs dévastées,
images pour trophées
pour patrons de presse
pressés
de transformer la misère en liasses.
Rien n'y fait,
cette tyrannie de l'œil
nous soumet à la nouvelle foi,
nouvelle église, nouveau cyclope
qui, pour sa seule faim,
engraisse quotidiennement ses victimes
parvient à les rendre consentantes,
désireuses même d’en finir,
en les trompant
sur la véritable essence du monde.






20



Tout est  fabriqué,
inventé,
les chaises en cercle
autour de l'abîme,
autant de places assises
que de places couchées,
trop nombreux les soumis,
trop nombreux les gisants,
le vent ferraille,
le vent apporte la rouille
et vous qu'apportez-vous
à part la faim,
l'ennui,
et la soumission ?
Et vous qu'apportez-vous
sur  cette terre toujours prête à cueillir
à pleines brassées confondues
autant de crimes et autant de joies ?
21



Vie,
froment,
seigle,
soleil,
puis tourbe,
cendre,
nuit,
avançons
avec tous nos sens
nourris par le manque,
sous nos chapiteaux de chair,
avançons !

Vie,
sans prendre la mesure
de ce que nous sommes,
de ce que nous deviendrons,
nous simulons l'orgasme.

Vie
ciel,
où un ange étendu,
les ailes noircies,
affreusement repliées,
appelle à grands cris,
Qui ?
Son créateur ?
Qui ?
Celui ou celle qui ne croit plus en lui ?
Non
plus simplement sa mère
comme tout être condamné.


Les prisons sont pleines d'yeux fermés
pour cause de grande rupture avec la vie,
la cruauté comme une flore abondante
monte à l'assaut du monde.

22



Vous avez forcé la pensée
à suivre la route des besoins immédiats,
vous l'avez poussée en ce gouffre
avec calcul et lenteur,
vous avez persuadé la conscience
que là était le vrai bonheur,
qu'il suffisait de jouir pour posséder,
qu'il suffisait de posséder pour se réjouir.





23




Vous,
soudain happé
par la herse du jour,
bribes,
fragments,
tant de choses ont brûlé ici,
mais vous,
debout,
pour ne pas être couché,
mais vous,
écorché,
voyelle puissante,
tout à l'instinct
en un monde blessé,
vous croyez encore
à l'appel déraisonnable,
au sens du verbe
libéré de la servitude.
Vous,
en cette  infinie terreur,
vous abandonnez à la verticale extrême,
le signe,
la nuée,
la dissemblance.
Vous,
ne pouvez raisonnablement croire
à l'accomplissement de ce signe,
de cette nuée.
Vous,
ne pouvez croire innocemment
en l'ombre repue,
hôte d'un corps
siège de tant d'amertumes,
de faims non satisfaites,
envie de vous perdre alors dans l'opulence
d'un infini de la chair,
au sens intraduisible.
Vous,
dont le verbe s'est affranchi des temps
aux dons multiples,
du merveilleux futur,
au conditionnel fou.
Vous,
hanté par le drame d'un jour
interdit de séjour,
Vous,
qui chaque jour dépassez
la forêt de vos doigts tendus,
la limite violée de vos chairs,
impudence de l'abandon,
vous ne savez plus jouir,
à la fin.
Vous,
ne voulez même plus entendre
ce grincement de la herse du jour,
cette raison arrêtée dans sa course
là dehors,
par tant d'imbéciles pardons.



















































































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