AU FIL DU SENS
2002
"Il
faut toujours aller dans le sens du fil" enseigne l'ébéniste à l'apprenti.
Mars 2002
1
C'est là un
autre soupçon,
une autre
attente,
le fil
infaisable,
évolution
incertaine
le fil se
mêle,
plusieurs
s'entremêlent,
se mêler à
la foule pour oublier le fil,
internement,
le parloir
est plein,
asiles.
L'île
s'organise,
empale,
édifie
l'île
tire le fil,
ramène la terre
à la raison,
la raison
chez elle.
Immuable est
le prêche des fous,
en cette
zone circulaire
une scie
tranche
l'aube métal,
affleurement
du sang,
du fleuve où
ventres des
morts blancs
circulent
angles
transparents,
virgules de
chair
dans le
cercle de l'île.
Rien
ne peut être
connu
ne se
propage plus vite
à la vitesse
du cri,
qu’une note
faussement interprétée,
rien ne se
détruit plus vite,
l'œuvre
menacée bascule.
Ton front
posé
sur le
glacis de la pierre
ruine
annoncée,
désert,
l'île d'où
surgit
le seul
miracle,
la bouche
déformée,
de
l'oracle-écran
comme un
flambeau
éclair roux
dans la nuit.
Ton front
posé
brûle d'on
ne sait quel doute,
se consoler
du peu,
se rassurer
avec l'image,
monter le
son,
descendre
d'un étage,
écrire à ce
point précis
où nul
retour n'est possible,
avancer pour
ne pas finir
là où tout a
commencé :
l’établi
endormi sous les copeaux,
dégorgeoirs,
ébaumoirs,
gouges et
poinçons,
compas
réglés pour mesurer la ligne,
étaux pour
assurer le geste toujours faillible,
colombe,
varlope,
toujours
dans le sens du fil,
pour nous
étonner,
nous ravir,
sous le ciel
cloison
brisée,
croire un
instant
en l'Ame
cheville.
2
C’est un
coup d’état qui renversa notre enfance,
nous jeta
nus et sans armes
dans le
fracas des hommes
et la
douceur des femmes.
Nous
apprîmes à apprivoiser tant de choses,
la lumière,
la nuit,
la lecture
des signes,
les odeurs,
les
lumières,
le goût des
couleurs
et la
couleur du goût.
Nous
apprîmes à feindre
quand notre
équilibre était menacé,
à énoncer la
vérité
comme si
elle était une arme,
à défier les
regards qui jugent,
classent et
condamnent,
à
reconnaître le manque d’amour sous la peur,
la haine
sous les paroles de paix.
Nous
apprîmes malgré les coups,
les
crachats,
le mépris,
à nous tenir
debout,
à tenir
contre ceux qui, ennemis de la vie,
trouvent
leur jouissance
dans
l’exercice toujours éphémère du pouvoir.
3
Comment ne pas
s'en mêler ?
Se mêler de,
comment ne
pas se désenvoûter
agir au sens
propre,
se laver du
figuré,
de quel sens
parler ?
Parlons-nous
?
Effleurons-nous
?
Sous quel
poids du sens nous défigurer,
pas de sens
ici
pour combien
de temps ?
Pas de sens
ici
tout est fil
tout se
corrompt,
se rompt,
en tout sens
se
transforme en cubes câblés,
en réseaux
affamés de sens commun,
défigurations,
la
télévision nous parle
défenestrations,
canalisations,
reste le fil
ténu
le fil d'une
naissance
accrochée
aux rites,
qui se lève
tôt pénètre sa conscience.
Préparons
notre défense
il n'est pas
un fil
où nous
posons le pied
sans tester
un nouvel équilibre,
il n'est pas
un jour
où dans ces
déraillements,
ces
épuisements,
ces petites
luttes quotidiennes,
nous
cherchons un peu de sens
pour
résister à l’usure.
4
Conformité
des lois qui assistent
à un
accouchement prématuré,
celui du
verbe géomètre
nous ne
retrouvons plus
le point de
départ
ce point le
plus éloigné
à la droite
du lit,
siège d'une
horizontalité active.
Les
mathématiques sont entrées dans la chambre,
elles ont
fragmenté le paysage,
le corps est
devenu un espace plan,
et
l'épiphénomène de l'acte amoureux
s'est
retrouvé quelque part
entre une
médiatrice et un angle sécant.
Rien ne peut
signaler ici
la présence
de la grande spirale du désir,
elle a
rejoint les murs froids
des
théorèmes cliniciens
où Pythagore
courtise Ariane
où le père
de Thésée
repeint
indéfiniment les voiles.
5
Descendre en
soi
pour ne
remonter nulle part,
de nouveau
nous voici
sur le
versant d’une pensée
où tout
bouge,
où tout
devient hallucination.
Les centres
sont nombreux,
ces lignes
ne peuvent à elles seules
être une
preuve de notre existence,
elles
explorent le vide,
se perdent
en des essais de langage,
jouent avec
des mots
qui se
lovent et se louent comme peaux,
visages,
gestes,
une lecture
les amène au bord,
au bord du
vide où se reconstruit l’absence,
absence de
ce corps solide,
de ce corps,
hôte de
l’ancienne douleur.
L’écriture
prend les devants,
fustige,
caresse,
émerveille,
puis se
referme
pour rentrer
en hiver.
A ce moment
de l’écriture,
à ce moment
de l’éveil
tout devient
intraduisible,
à ce moment
de l’écriture
tout tient à
un fil.
6
Devant la
beauté
se poser la
question du sens,
s'installe
alors le discours du doute,
de la
disparition,
les failles
sont nombreuses,
douloureuses,
peur du
corps,
peur de
l'engendrement,
peur de
l'usure,
nous voici
donc
devant la
beauté
à jamais
éveillés,
mendiants
révoltés.
7
Faire le
tour de la question,
et en perdre
le centre …
8
Foisonnement
sous la page,
qui en
appelle à l'écriture
à se mettre
en veille,
en
sommeil ?
A soumettre
sa raison ?
À fleur de
peau
peau de
l'animal-raison ?
ne voit
nulle raison,
pour
atteindre le pollen des heures.
Comme une
furie
la lumière
traverse,
s'étend sur
le linge du monde,
ruisselle le
long des vitres,
coule sous
les fenêtres,
par la grâce
d'un courant d'air
rejoint un
festin de fièvres,
foisonnement
des possibles.
Devenir objet
d'adoration
sujet à
datation,
à
soumission,
objet
vertical
en ce monde
des courbes.
Pour
résister aux fourbes,
tenir sa
droite.
pour ne pas
fléchir
ne pas se
tromper de lumière,
tenir.
Foisonnement
des
pourvoyeurs de saisons
par tous les
temps,
sur toutes
les routes,
fenêtres,
ponts,
élargissement
des silences,
des voix,
sous les
chemises
la lumière
des projecteurs
cherche,
fouille,
cherche la
présence de sexes.
Toutes
sueurs dehors
ajouter à ce
foisonnement !
Corps noués
là où toutes
cuisses
mêlées,
là où le
désir domine.
Ensemble
ils
dérivent,
corps
flexibles,
corps lovés
en crabes,
positions
fœtales,
régressions,
nouveaux
fruits
par toutes
les mères
fantasmés,
tremblements
prématurés,
paradis
abandonné aux simples
pour une
jouissance d’organes magnifiés,
simplicité
de la jouissance
foisonnement,
évidence du
jouir,
sans
chercher à comprendre,
à renaître,
se
compromettre,
simplement,
rester,
se mettre,
en quatre
se mettre en
chaire,
se
représenter sur un pied,
en pied,
rester fort,
tête haute,
buste en
fonte,
sur un pied
fossile,
un socle
de fer,
se taire,
faire taire
l’épicier en nous,
ce petit
commerce
paradis
mécanique
huilée,
bien tourné,
sur fond
de machines-outils,
arbres à
hélices, à délices.
Usine,
industrie du
verbe,
sans
fondements,
moissons
livides sous la herse,
pour nos
têtes posées
au fond des
cageots,
nos têtes
futurs bols à asticots.
Pour tous
les autres corps
foisonnement
de muscles,
de
ligaments,
de peaux,
de spasmes,
de rives
jamais atteintes,
mille sexes
n'y suffiront pas,
il nous
faudrait
revenir une
scène plus haut
là où cela
parle encore,
là où cela
éjacule encore,
parle
déraisonnablement
de sens
empilés, compilés,
de proximité
avec le vivant,
là où
justement
le sens
croit et décroît
où
incroyablement surgit
l'effroi,
le retard,
la balance,
le poids,
ce qui fait
que le monde entier plie,
se replie,
en ses
bagages,
plonge dans
le fleuve nature,
remonte plus
éclairé,
plus riche
d’une clarté,
d’une
parole.
Là où gémir
encore se
peut,
là ou gémir
rejoint le
chant,
là où le
cœur peut
jouer sa
carte d'organe,
se jouer du
corps,
jouer de ses
membres,
pour tuer sa
peur,
se faire
violence, se faire jeu,
ventre doué
de paroles,
d'auréoles
truquées.
Nous nous
sommes perdus en ces lieux,
hors ce
ventre
innocemment
doué
pour toutes
les impostures,
nous nous
sommes retrouvés
nouveaux nés
en ces lieux
où le sens
était devenu autre :
un lumignon
seul survivait,
œil
misérablement isolé
d'une fête
ratée.
9
Il est là
le véritable
repos
entre un
olivier et un orme,
sentir
cette odeur
de terre
cette odeur
qui remonte de si loin,
l'odeur des
grands fonds.
Se maintenir
en éveil,
respirer
sources et
bruits,
possible
paix,
arroser la
terre
en
surprendre les bienfaits,
unir
la violence
du jour
à la
fécondité de la nuit.
En cette
innocence
comment
conclure ?
Le piège est
si pur,
la peinture
si belle,
sans un
parasite,
sans une
éclaboussure,
le même sens
donné à la mort,
le même sens
donné à la vie,
au silence,
à la rumeur.
Qui peut
croire encore
en la beauté
d'un temple qui se fissure ?
10
Le fleuve
ainsi creuse son mystère,
son lit est
profond, il le sent,
Il va dans
son sens, lui obéit,
par
nécessité, par nature.
11
Le mal le
voici :
la vie pour
durer n’a nul besoin d'infini,
ni de lutte,
ni
d’équilibre,
la vie pour
durer a un besoin permanent de mort.
De la mort
seule elle tire son souffle,
de cette
terre des morts
elle extrait
toujours plus nombreux les vivants.
Remontez
vers le fuseau de la vie
et vous
retrouverez toujours
Clotho,
Lachésis, et Atropos qui tranche le fil.
12
Les fils se
sont emmêlés,
Pénélope
s’est retrouvée prise au piège,
piège de ces
nuits blanches
passées à
défaire le linceul tissé le jour.
Pour que
chacun entende
ne perde le
fil d’une histoire
qui file sur
le tissu des siècles,
pour que
chacun puisse remettre sur son métier
le même
fuseau dont le même fil se dévide,
se défait et
casse,
fin de
l’ouvrage,
de la
trahison.
Les fils se
sont emmêlés,
Pénélope se
retrouve prise au piège,
des
servantes militantes
dénoncent
son travail de nuit.
Retour à
Ithaque,
Retour
d’Ulysse,
l’avisé,
au grand
cœur,
modèle de
patience,
éprouve par
la ruse la fidélité de son fils,
précipite la
destinée de son chien,
menace sa
vieille nourrice
si jamais
elle a l’imprudence de parler,
Ulysse, le
seul à pouvoir tendre la corde de l’arc,
le seul à
pouvoir donner du fil à retordre
à tous ceux
qui se prétendent prétendants,
ceux qui ont
envahi sa demeure,
souillé son
temple, convoité son épouse.
Ulysse avec
les aides de l'Olympe
crée sur
place deux emplois d'assistants-bouchers,
se fait
meurtrier méthodique et inspiré
et reprend
dans la foulée le fil de son histoire avec Pénélope.
Pénélope,
épouse modèle,
icône de la
fidélité,
qui avant de
renouer
lui impose
l’épreuve du lit,
couche
dressée pour les fantaisies d'Eros,
toute
sanglée de cuir
où la souche
de l’olivier
aux longues feuilles,
colonne
puissante, éloge phallique,
tient lieu
de socle.
Pour quelle
foule de voyeurs
Athénée
prolongea cette nuit de retrouvailles ?
La trop sage
Pénélope sait que désormais
en sa
demeure sanglante,
ce qui se
construira le jour durant
n’aura plus
besoin de ses mains
pour être
anéanti dans l'obscurité,
que tout
lentement se détruira en elle
chaque nuit
effaçant
les douleurs
ou les joies du jour.
Ulysse quant
à lui, pressent que chaque aube
verra se
lever un autre prétendant
qu’il lui
faudra encore mille fois
bander la
corde de son arc,
jusqu’au
jour où devenu impuissant, cloué sur son lit,
toujours
envoûté par les chants des sirènes
et le
souvenir des folles dominations de Circé,
il
s’abandonnera à la mort à l’œil unique
qui dans un
murmure
lui
soufflera à l'oreille :
qu’elle est
venue prendre
Ulysse en
personne.
13
Liqueurs,
ivresses,
ces instants
où
s'emmêlent
les sens,
où
s’épuisent en mille visites,
les mille
possibilités
d'une vie
dramatiquement
douée pour
la volupté.
Corps de
neige, corps de nuit,
tous deux se
fiancent
et la terre
s'en balance,
et la terre
de tourner,
et la terre
de tout son sang,
de tout son
foutre,
de vomir
l'éternité !
Corps de
neige, corps de nuit,
dans l'océan
de leur sève répandue,
dans l'océan
de leur sang perdu,
corps
sacrifiés
sur l'autel
du verdict,
dénouement
du jour,
aliénation
de la nuit,
tout peut se
peindre,
se
maquiller,
pour tenir
sous les lumières,
pour
résister à la pluie,
tout peut se
traduire
mais trahir,
trahir,
est-ce déjà
la nuit ?
14
Ne
pouvons-nous envisager
raisonnablement
de vivre ?
De goûter la
vie,
en ne lui
donnant
nulle
signification,
nulle
direction,
expérience
de l'extrême
du
formidable inutile ?
15
C’était
avant le nomadisme de la pensée,
nous avions
desserré
les lacets
de notre mémoire.
Que
percevions-nous alors de l’inévitable,
quelle peur
pouvait définir notre enfermement,
nous rendre
innocents à nos yeux,
quel cercle
pouvait plus efficacement,
plus
horriblement,
créer un
abîme
pour l’autre
cercle de ce texte ?
La trame
était donc libre,
nous ne
pouvions l’espérer,
nous
voulions la vivre,
ici tout
nous accusait.
En ce
présent aussi réel qu’une pierre
jetée sur
une machine de guerre,
nous avions
cimenté les puits
conduisant à
la vérité.
De
quelle jouissance
nous
étions-nous ainsi irrémédiablement éloignés,
détournés ?
Reclus
volontaires
d’un monde
peint en trompe-l’œil,
notre
passage comme une épreuve,
certitude
infinie,
où le geste
puise la force
de tendre
encore l’arc de la vie.
16
Nos ventres
réclament
leur part de viandes et de fruits,
affirmation
des possibles,
hématomes
sur l’épiderme de notre raison sensible.
Etre ce mot
juste qui résonne,
prend de
l’assurance,
s’organise,
s’agite,
pour
semble-t-il fuir le magma,
l’incohérence,
la
tromperie,
la honte.
Ecrit-travail,
travail de
l’écrit,
efficience
de l’esprit,
inspiration
expirante,
inspiration
vision si
peu convaincante,
comment
pouvons-nous obliger
le monde à
traduire,
à nous
traduire,
à passer par
ce canal étroit de notre vie ?
Ciel tombé
dans les excavations de nos yeux
avec l’idée
de la chute
nous
arrachant perpétuellement au fil de nos pensées,
au fil de
notre écriture
qui parfois
en oublie le fil ….
17
Nous sommes
tous visiteurs
invités au
parloir du monde,
ce
questionnement sans cesse,
cette joie
fouillée, ce sens exploré,
questionnement
dans les
limites de notre langue,
vague qui
s'enroule, roule,
avalanches
de perles
traversées
par la lumière,
étendue
permanente
qui frappe
ses rives,
fait se
gonfler des ventres de sable.
18
Que dire de
l'égarement ?
de cet
égarement
qui nous
serre,
nous
enserre,
nous livre à
l'ennui,
à
l'écœurement,
à la simple
possession des choses,
puis à
la
poussière,
aux plaies,
aux
disparitions,
aux
désillusions.
De tout cela
la mémoire
est veuve,
le corps
seul lecteur
en donne une
lecture incomplète.
Et si tout
cela
respirait
l'évidence,
le retrait
du sable
sous nos
pieds,
la tempête
sous nos
crânes ?
Et si tout
cela respirait
selon une
ancienne cadence,
la vague
sous la terre,
la terre
sous le ciel ?
Si tout cela
dans le même temps
en une
même saison,
avançait
tout en se retirant,
à la fois
centre et segment,
oubli et
naissance ?
Si tout cela
s'accommodait
pour exister
de l'acte le
plus simplifié,
de la parole
la plus réduite,
alors le
sens peut-être prendrait la fuite …
19
Rien n'y
fait
l' œil est
en manque,
un œil sans
gourmandise
qui regarde,
regarde
guette sur
l'écran ligné
les signes
avant-coureurs
de la grande
interruption,
de la grande
rupture
entre
l'extérieur et cet intérieur,
intérieur
cossu
miné de
l'intérieur,
lieu d'assis
où
étrangement plus personne
n'a volonté
de se redresser,
où
étrangement plus personne
ose se
représenter debout.
Toute la vie
résumée là :
en ce
rectangle
où le monde
s'encastre,
s'enroue,
s'ampute,
où la
douleur devient
objet de
contemplation
pour esthète
médiatisé,
rien n'y
fait
cet œil
défait le monde,
le plie,
le range,
le dissèque,
le
lamellise,
jette dans
les rues
ses
jeunesses faciles,
remplit les
cales
des prisons
flottantes
entasse,
os,
mémoriaux,
armées de
paix,
visions de
chairs dévastées,
images pour
trophées
pour patrons
de presse
pressés
de
transformer la misère en liasses.
Rien n'y
fait,
cette
tyrannie de l'œil
nous soumet
à la nouvelle foi,
nouvelle
église, nouveau cyclope
qui, pour sa
seule faim,
engraisse
quotidiennement ses victimes
parvient à
les rendre consentantes,
désireuses
même d’en finir,
en les
trompant
sur la
véritable essence du monde.
20
Tout
est fabriqué,
inventé,
les chaises
en cercle
autour de
l'abîme,
autant de
places assises
que de
places couchées,
trop
nombreux les soumis,
trop
nombreux les gisants,
le vent
ferraille,
le vent
apporte la rouille
et vous
qu'apportez-vous
à part la
faim,
l'ennui,
et la
soumission ?
Et vous
qu'apportez-vous
sur
cette terre toujours prête à cueillir
à pleines
brassées confondues
autant de
crimes et autant de joies ?
21
Vie,
froment,
seigle,
soleil,
puis tourbe,
cendre,
nuit,
avançons
avec tous
nos sens
nourris par
le manque,
sous nos
chapiteaux de chair,
avançons !
Vie,
où
sans prendre
la mesure
de ce que
nous sommes,
de ce que
nous deviendrons,
nous
simulons l'orgasme.
Vie
ciel,
où un ange
étendu,
les ailes
noircies,
affreusement
repliées,
appelle à
grands cris,
Qui ?
Son créateur
?
Qui ?
Celui ou
celle qui ne croit plus en lui ?
Non
plus
simplement sa mère
comme tout
être condamné.
Les prisons
sont pleines d'yeux fermés
pour cause
de grande rupture avec la vie,
la cruauté
comme une flore abondante
monte à
l'assaut du monde.
22
Vous avez
forcé la pensée
à suivre la
route des besoins immédiats,
vous l'avez
poussée en ce gouffre
avec calcul
et lenteur,
vous avez
persuadé la conscience
que là était
le vrai bonheur,
qu'il
suffisait de jouir pour posséder,
qu'il
suffisait de posséder pour se réjouir.
23
Vous,
soudain
happé
par la herse
du jour,
bribes,
fragments,
tant de
choses ont brûlé ici,
mais vous,
debout,
pour ne pas
être couché,
mais vous,
écorché,
voyelle
puissante,
tout à
l'instinct
en un monde
blessé,
vous croyez
encore
à l'appel
déraisonnable,
au sens du
verbe
libéré de la
servitude.
Vous,
en
cette infinie terreur,
vous
abandonnez à la verticale extrême,
le signe,
la nuée,
la
dissemblance.
Vous,
ne pouvez
raisonnablement croire
à
l'accomplissement de ce signe,
de cette
nuée.
Vous,
ne pouvez
croire innocemment
en l'ombre
repue,
hôte d'un
corps
siège de
tant d'amertumes,
de faims non
satisfaites,
envie de
vous perdre alors dans l'opulence
d'un infini
de la chair,
au sens
intraduisible.
Vous,
dont le
verbe s'est affranchi des temps
aux dons
multiples,
du
merveilleux futur,
au
conditionnel fou.
Vous,
hanté par le
drame d'un jour
interdit de
séjour,
Vous,
qui chaque
jour dépassez
la forêt de
vos doigts tendus,
la limite
violée de vos chairs,
impudence de
l'abandon,
vous ne
savez plus jouir,
à la fin.
Vous,
ne voulez
même plus entendre
ce
grincement de la herse du jour,
cette raison
arrêtée dans sa course
là dehors,
par tant
d'imbéciles pardons.
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